LA thalassémie est une maladie du sang encore méconnue au Maroc, malgré les dommages irréversibles qu’elle entraîne. La mort du patient s’en suit avant l’âge de 8 ans s’il ne bénéficie pas de transfusions sanguines régulières, et avant l’âge de 20 ans si ce traitement n’est pas accompagné du processus dit de «chélation» (ndlr, prononcer «k»élation). Cette technique permet de détruire l’excès de fer dans le corps généré par les multiples transfusions.
Pâleur, anémies sévères, nanisme, gonflement du ventre, déformation des os, fatigue extrême, tels sont les symptômes qui la caractérisent. Environ 3.500 personnes en seraient atteintes au Maroc. Sa spécificité réside dans le fait que des individus non malades peuvent porter un gène atteint. Si un couple sain est porteur du gène, il a une chance sur quatre de donner naissance à un enfant thalassémique. Il est possible de dépister la maladie, mais encore faut-il être conscient du danger.
La vulgarisation et la sensibilisation à cette maladie fait partie des objectifs du programme Thalassémie Maroc, lancé par une dizaine de clubs rotariens casablancais en association avec autant d’homologues italiens. Cette initiative est née du courage de la mère d’un enfant atteint, Samira Elyamani. Son fils Ayoub a été diagnostiqué thalassémique majeur à l’âge de 8 mois. Après quelques années de lutte, et face à la cherté du traitement qui peut atteindre 5 000 à 10 000 DH par mois entre transfusion et chélation, elle est allée en Italie pour démarcher des associations qui pourraient l’aider financièrement. Mise en relation avec le club rotarien de Genova, ce dernier lui a proposé la prise en charge complète et à vie des soins de son fils, à condition de rester sur le sol italien. «J’ai dû refuser cette offre car ma petite fille m’attendait au Maroc. Mais j’ai invité le club genevois à visiter le CHU de Rabat, avec l’espoir que mon fils ne serait pas le seul à profiter de cette aide». De là est née une vaste opération dont l’épicentre a été le CHU Ibn Sina. Elle a abouti en mai dernier à la signature d’une convention qui s’étale sur 3 années entre le ministère de la Santé et le Rotary Club. L’Etat marocain s’y est engagé sur la prise en charge thérapeutique des thalassémiques, contrôle biologique et radiologique compris.
«Le coût est estimé à 80 000 et 120 000 DH par an et par patient». Selon le Dr. Anwar Cherkaoui du programme Thalassémie Maroc «la régionalisation des soins devrait aussi être au rendez-vous courant 2012 mais dépend de l’activation du Programme national de lutte contre les hémoglobinopathies qui attend son heure au ministère de la Santé». Le gouvernement est aussi très attendu sur la question du dépistage, prévue dans ce programme. Mohamed Mejjati, professeur en médecine, estime que «si cette mesure est incluse dans le contrat prénuptial, cela pourrait mener à l’éradication totale de la thalassémie au Maroc sur une petite poignée de décennies».