Les sciences du cerveau peuvent-elles contribuer à améliorer les campagnes de prévention contre le tabagisme, l'obésité, et autres problèmes sanitaires d'importance ?
Dans le détail, certes, on est encore loin de comprendre comment fonctionne cette fabuleuse boîte noire qu'est notre cerveau, et plus encore de saisir les rouages de la pensée humaine. Par petites touches, les neurosciences n'en permettent pas moins de mieux décrypter le comportement humain. Notamment depuis l'avènement de l'imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf) : une technique d'exploration cérébrale qui visualise avec une grande précision, en temps quasi réel, les zones du cortex en activité. Et permet donc de mieux estimer, au fil des expériences, le rôle joué par les émotions dans les processus d'attention, de mémorisation et de prises de décision du consommateur ou du citoyen.
Utiliser ces enseignements pour influencer les fumeurs et les gros mangeurs à réduire leur consommation, ou pour limiter les intoxications domestiques grâce à un marquage plus efficace des produits ménagers : en France comme à l'étranger, cette approche est désormais considérée comme prometteuse.
Rappelant que le secteur privé, lui aussi, suit de très près les avancées des neurosciences cognitives
"Si de nouvelles techniques permettent d'améliorer l'efficacité des messages publicitaires, il n'y a pas de raison pour qu'elles ne soient pas mises également au service des campagnes de santé publiqu. Pas de raison, par exemple, que les résultats des neurosciences soient utilisés par l'industrie agroalimentaire sans que les campagnes de prévention contre l'obésité n'essaient également d'en tirer parti.
En Grande-Bretagne, une équipe de l'université de Cambridge s'est ainsi penchée sur ce mécanisme bien connu des publicitaires, selon lequel la prise d'aliments est déclenchée non seulement par la faim, mais aussi par la vue de la nourriture. L'IRMf l'a confirmé : plus le mets présenté semble appétissant, plus il exerce d'effets "positifs" sur le cerveau. En particulier dans une zone située entre l'amygdale et le striatum ventral, que l'on pense impliquée dans le plaisir et la motivation.
"Si les propriétés sensorielles d'un aliment, comme le goût, l'odeur ou encore la texture, participent au plaisir de l'ingestion, des facteurs contextuels cognitifs peuvent également jouer un rôle important", poursuit M. Oullier. Le choix des mots, notamment. A l'université d'Oxford, des chercheurs ont montré que lorsque nous mangeons, l'activité était plus élevée dans les aires cérébrales impliquées dans le plaisir si cette ingestion était accompagnée d'une mention positive. Pour donner envie de se resservir, accoler à un breuvage les termes "saveur délicieuse" sera donc plus efficace que la simple description "bouillon de légumes". Un constat exploité depuis longtemps par les industriels, et qui, désormais validé par la science, pourrait inspirer les pouvoirs publics.
"Pour mieux prévenir l'obésité, on pourrait par exemple imposer une présentation publicitaire "neutre" pour les aliments les plus caloriques, suggère M. Oullier. Ou encore parler en termes appétissants des fruits et légumes, afin de mieux convaincre les consommateurs d'en manger cinq par jour."