Des nanoparticules peuvent endommager les cellules humaines, notamment leur ADN, même à l'abri d'une barrière cellulaire.
La démonstration de leur génotoxicité in vitro est rapportée par Gevdeep Bhabra (Southmead Hospital, Bristol) et ses collègues dans un article publié en ligne, jeudi 5 novembre, par la revue Nature Nanotechnology. Un effet indirect à double tranchant : un risque toxique inédit, mais de possibles actions thérapeutiques nouvelles.
Les nanoparticules ont une taille de l'ordre du nanomètre (nm), soit un milliardième de mètre (10-9 m). En médecine, elles servent dans les prothèses et au transport de médicaments, en particulier pour atteindre les organes protégés par une barrière cellulaire, comme le cerveau. Pour agir, elles doivent avoir une taille suffisante pour ne pas être trop vite éliminées par les reins. Celles utilisées en médecine ont donc une taille de 20 à 200 nm. Cela implique un accroissement de l'exposition de différents organes.
Les nanoparticules en alliage cobalt-chrome, présentes dans des prothèses en métal, ont une toxicité directe lorsqu'elles sont en concentration suffisamment importante au contact d'un organe : lésions de l'ADN, aberrations chromosomiques, mort cellulaire. Elles sont libérées du fait de l'usure des prothèses.
Gevdeep Bhabra et ses collègues ont placé pendant 24 heures l'alliage cobalt-chrome sur plusieurs couches de cellules classiquement utilisées comme modèle de barrière cellulaire, les séparant ainsi de cellules humaines, des fibroblastes (cellules du tissu conjonctif).
"Nous avons montré que les nanoparticules peuvent endommager l'ADN et les chromosomes à travers une barrière intacte. Les nanoparticules n'ont pas traversé la barrière ; en fait, les lésions sont dues à un nouveau mécanisme", indiquent les auteurs de l'étude. Ce mécanisme mettrait en jeu les canaux présents dans les membranes et les voies de communication entre cellules.
"Cette étude expérimentale montre à la fois des effets génotoxiques indirects inconnus et de possibles moyens d'action thérapeutique inédits pour les nanoparticules", commente le professeur Gérard Lasfargues, chef du département santé au travail de l'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail. Il en découle la "nécessité de proposer des tests adéquats et standardisés pour prendre en compte ces données dans l'évaluation de la génotoxicité des nanoparticules", estime-t-il.
L'évaluation en cours au niveau européen de la génotoxicité des nanoparticules devra donc intégrer ce nouvel élément. De même pour la mise en oeuvre du règlement européen Reach sur les substances chimiques, qui inclut les nanoparticules. Deux procédures dans lesquelles l'Afsset est investie. La découverte d'une génotoxicité indirecte constitue en tout cas un élément nouveau au moment où se déroule en France, jusqu'au 23 février 2010, une consultation publique sur les nanotechnologies.