Les réformes de Nicolas Sarkozy ont fortement réduit la pression fiscale sur les patrimoines déjà constitués ou hérités, et elles limitent la capacité des contribuables aisés qui ne possèdent pas encore de patrimoine important, à s'en constituer un.
Tel est l'un des enseignements majeurs du rapport de l'Institut des politiques publiques (IPP) consacré à 15 années de fiscalité et de redistribution en France, de 1997 à 2012 : http://www.ipp.eu/wp-content/uploads/2011/11/fiscalite-redistribution-rapport-IPP-mars2012.pdf
Présenté lundi 2 avril, ce document établit que la régressivité de la fiscalité française, "pas nouvelle", s'est accrue avec le retour de la droite au pouvoir. "Entre2002 et 2012, alors que le taux de prélèvements obligatoires, en pourcentage du revenu national, baissait de 0,6 point pour l'ensemble de la population, les 1 % des plus hauts revenus ont vu leur taux d'imposition baisser de 3,6 points", écrivent Antoine Bozio, Roy Dauvergne, Brice Fabre, Jonathan Goupille et Olivier Meslin.
DES EFFETS D'ASSIETTE
La fiscalité française, rappellent-ils, est à la fois élevée et peu progressive pour l'ensemble des actifs, en raison de l'importance des cotisations sociales, des taxes indirectes et des prélèvements sociaux proportionnels au revenu, en particulier la contribution sociale généralisée (CSG). Dans la partie haute de la distribution des revenus, elle devient même régressive - plus on est riche, moins on paie en proportion de ses revenus -, comme l'avaient montré des députés de tous bords, en 2008, dans un rapport sur les niches fiscales.
Aux yeux de l'IPP, toutefois, cette régressivité s'explique essentiellement par des effets d'assiette. Si l'on prend les 0,1 % les plus riches, une partie importante de leurs revenus, constitués de plus-values et de revenus soumis au prélèvement libératoire, échappe au barème de l'impôt. Plus d'un tiers des revenus de ces mêmes contribuables est composé de dividendes ; or, plus de 70 % des dividendes versés aux ménages échappent à l'impôt.
Si l'on additionne aux dividendes non imposés les revenus financiers non distribués, on trouve ainsi que plus de 50 % des revenus des 0,1 % les plus riches ne sont pas taxés. En revanche, 90 % des revenus du travail, qui forment une assiette à la fois large et stable dans le temps, sont taxés.
GAGNANTS ET PERDANTS
La régressivité de la fiscalité française s'est accrue, principalement, pendant le quinquennat chiraquien de 2002 à 2007, avec la diminution des tranches marginales de l'impôt sur le revenu et le bouclier fiscal. Les années 2007-2012, plus contradictoires, ont vu un alourdissement de l'imposition des revenus en fin de période et un allégement de la fiscalité du patrimoine.
Les gagnants du quinquennat sarkozyste sont avant tout les contribuables ayant de hauts patrimoines mais de faibles revenus d'activité, qu'ils soient rentiers ou qu'ils aient constitué leurs patrimoines. Les perdants relatifs sont les contribuables ayant de faibles patrimoines, mais de hauts revenus.
L'étude montre aussi que, avec les baisses d'impôt de Laurent Fabius en fin de période, les années Jospin, de 1997 à 2002, ont été marquées par la diminution des prélèvements obligatoires pour les plus modestes, liée à la réduction des cotisations sociales et à la baisse de la TVA.
Parmi les travaux de l'IPP, présentés lundi, figure aussi une étude de Pierre Cahuc et Stéphane Carcillo sur la défiscalisation des heures supplémentaires. Elle révèle que cette disposition, d'un coût annuel de 4,5 milliards d'euros pour l'Etat, a accru les déclarations d'heures supplémentaires sans allonger la durée effective de travail : http://www.ipp.eu/wp-content/uploads/2011/11/n1-notes-IPP-mars2012.pdf
http://www.lemonde.fr/election-presidentielle-2012/article/2012/04/03/le-systeme-fiscal-francais-avantage-les-detenteurs-de-patrimoine_1679533_1471069.html