Les parents jouissent depuis 1993 d'une grande liberté. Fini le temps du choix restreint sur calendrier, vive les prénoms de fleurs, de fruits. Maintenant, on a le droit de se faire plaisir.
Mais les géniteurs doivent se projeter dans le futur et penser aux quolibets que leur progéniture pourrait subir dans la cour de l'école, au poids historique de certains prénoms difficile a assumer pour de frêles épaules, aux associations néfastes de certaines appellations (gare au Jean Bon), bref à tous les préjudices que pourrait subir leur enfant.
Dans quel cas un prénom peut-il poser problème, lors de son enregistrement sur les registres de l'état civil?
Lorsqu'il n'est pas conforme à l'intérêt de l'enfant. Ainsi, l'article 57 du code civil français spécifie que "lorsque ces prénoms ou l'un d'eux, seul ou associé aux autres prénoms ou au nom, lui paraissent contraires à l'intérêt de l'enfant ou au droit des tiers à voir protéger leur nom de famille, l'officier de l'état civil en avise sans délai le procureur de la République."
Ce dernier "peut saisir le juge aux affaires familiales" qui, s'il estime "que le prénom n'est pas conforme à l'intérêt de l'enfant ou méconnaît le droit des tiers à voir protéger leur nom de famille", "en ordonne la suppression sur les registres de l'état civil".
Si les parents ne donnent pas à leur enfant un nouveau prénom qui soit conforme à ses intérêts, le juge lui en attribue un lui-même. En gros, on parle là des prénoms potentiellement ridicules, péjoratifs, grossiers, abscons car trop complexes ou faisant référence à des personnages honnis de l'histoire. Et la justice de trancher, au cas par cas...
Dernier cas médiatisé
Il s’agit du petit Daemon, né le 3 novembre dernier, à Busigny, près de Cambrai, dans le Nord de la France. Ainsi prénommé en l'honneur d'un vilain jojo du petit écran, le vampire de la série télévisée Vampire Diaries, Damon Salvatore joué par Ian Somerhalder. "Damon", auxquels les parents ont ajouté un "e" fantaisiste, ce qui donne, pas de bol, "Daemon". A savoir "démon" en latin. Le parquet de Cambrai a saisi le juge aux affaires familiales, estimant que ce prénom était susceptible d'être "contraire à l'intérêt de l'enfant". Les parents se sont défendus en arguant du fait qu'ils appréciaient simplement la sonorité de cette appellation, en réfutant toute référence satanique. La mère a, de plus consulté un prêtre lui ayant indiqué, bonne pâte, "que le prénom de Daemon n'était pas un obstacle pour un baptême à l'église", rapporte La voix du Nord, en décembre 2011. Finalement, les parents ont eu gain de cause.
La petite Mégane Renaud, a pu garder également son prénom, en 2000. Le tribunal des affaires familiales de Nantes, saisi de cette affaire, a finalement décidé qu'il serait plus préjudiciable psychologiquement à la fillette de perdre son prénom, que de subir une éventuelle comparaison avec la voiture de la marque française, sujet de conversation, de fait, pas très répandu parmi les bambins, à l'école.
Et parfois, ça ne passe vraiment pas. Les parents de celui qui ne s'appellera jamais Titeuf en ont fait l'expérience, dans l'Oise, cette année. Ce nom, créé par l'auteur de bande dessinée suisse Zep pour désigner "un garnement pas très malin dont les principales préoccupations concernent les relations avec les filles et le sexe", n'était pas conforme, selon les juges, à l'intérêt de l'enfant. Ils n'ont pas nié que ce héros de BD soit "plutôt sympathique" mais ont souligné le risque de moqueries pour le nouveau Titeuf, tant enfant qu'adolescent, puis adulte, dans ses futures relations personnelles ou professionnelles.
La problématique existe ailleurs
La Nouvelle Zélande confrontée aux demandes de Lucifer, Anal et Christ a dit "niet", observe The Economist, en janvier.
En Belgique, "des jumelles de Charleroi (en Wallonie, NDLR) ont échappé de justesse aux doux prénoms de Vagina et Clitorine, en 2009" s'amuse récemment le site de la radio belge RTL.
Au Maroc surgissent de temps à autre des affaires de refus de prénom. L’état nie l’existence d’une liste de prénoms autorisés ou interdits. Les autorités marocaines peuvent refuser des prénoms donnés aux enfants marocains quand elles estiment que ces noms ne sont pas de caractère marocain.
Les Etats-Unis, semble plus tolérants en matière d'attribution de prénom, pour pouvoir désigner votre bambin sous une appellation douteuse, comme les parents d'Adolf Hitler, dans le New Jersey. Ces parents se sont vu retirer la garde du garçon, en 2009, pour "troubles mentaux".