Plusieurs ministres du gouvernement français ont assuré qu'il fallait, grâce à un label adéquat, informer le consommateur de la résistance française et de l'intégrité de sa production piscicole.
Les professionnels de l'aquaculture ne veulent pas de cet étiquetage-là. Le Comité interprofessionnel des produits de l'aquaculture (CIPA) préfère miser sur sa propre charte de qualité, intitulée "Aquaculture de nos régions", qui, dit-il, exclura toute forme de PAT tant que celles-ci déplairont aux consommateurs.
L'organisme travaille depuis 2007 sur ce cahier des charges au sein d'une commission qui réunit des éleveurs, des représentants de la grande distribution, des scientifiques, des consommateurs et l'organisation non gouvernementale WWF, entre autres.
LA FRANCE IMPORTE 85 % DE SA CONSOMMATION |
Cette charte peut offrir au mieux 50 000 tonnes par an de produits issus de ses élevages terrestres et de bord de mer, dont 35 000 tonnes de truites. C'est peu comparé aux quelque 150 000 tonnes de saumons et 100 000 tonnes de crevettes qu'elle importe. Arc-en-ciel ou fario, destinée à la consommation ou au repeuplement de sites de pêche de loisirs, la truite, rappelons-le, est carnivore.
Or, pour certaines, les rations comportent déjà des protéines issues de sang de porc et de volaille et de plumes. Cette pratique est en effet autorisée par l'Union européenne depuis 2005, par la France depuis 2006. "Environ 15 % de la production française – celle qui est destinée à l'exportation – sont susceptibles d'en contenir, tandis que 85 % répondent à une formule d'alimentation standard aux trois quarts végétale, sans aucun dérivé d'animal terrestre", explique Marc Lamothe, président du CIPA. En théorie, les éleveurs auraient même le droit d'agrémenter ses rations de dérivés d'œuf et de lait, mais n'en voient pas l'intérêt, selon le CIPA.
RÈGLES SUR L'ENVIRONNEMENT COMPLEXES
Quand un kilo de truites est vendu 2 à 3 euros par le producteur, celui du caviar "sort" à 500-600 euros. "Si, pour un éleveur de truites, la part de l'alimentation représente 50 % à 60 % du coût de production, elle n'est que de 5 % pour nous. Il nous est donc plus facile d'être exigeant", précise Philippe Benoit, le directeur d'exploitation du groupe. Avec 13 millions de tonnes par an, exportées à 60 %, Sturgeon est le 3ème producteur mondial. Le secteur du caviar, fleuron de l'aquaculture française, se classe depuis quelques années au deuxième rang mondial.
Le sang de volaille gâterait l'image de cette denrée de luxe. "Même si ce type de produit n'a pas d'impact nutritionnel négatif et que d'autres producteurs étrangers de caviar l'utilisent, le groupe se l'est interdit depuis des années. Nous devons être irréprochables, insiste M. Benoit. Ça n'est pas parce que l'Europe a décidé d'autoriser d'autres farines animales que nous allons modifier notre façon de faire. Ce serait de la folie !"
Chez Sturgeon, la nourriture est préparée sur mesure par un fabricant d'aliments, Biomar, installé à Nersac (Charente). C'est un mélange, savamment dosé suivant les conseils d'un laboratoire de recherche, de farines et huiles de poisson pour les protéines et les lipides, de végétaux (principalement blé et tourteaux de soja), de minéraux et de vitamines. Dans son cycle de vie – en moyenne huit ans avant de devenir mature sexuellement et de porter des œufs –, une femelle de 10 kg mange 25 kg de ces granulés noirs. A Balizac, huit générations d'esturgeons cohabitent, soit 70 000 individus, de l'alevin à la femelle gravide de 9 ans, répartis dans 16 bassins en béton de 7 000 m2 au total, enserrés entre l'étang en surplomb et la forêt.
Pour Marc Lamothe, l'aquaculture française est bien placée pour satisfaire ses clients. Le problème de la filière est ailleurs : il tient aux règles sur l'environnement complexes et surtout changeantes : "L'interprétation des directives européennes est particulièrement exigeante chez nous, insiste-t-il. Nous avons besoin de savoir comment elles vont évoluer. Aucun nouvel élevage ne s'est installé ces dernières années."
http://www.lemonde.fr/planete/article/2013/03/01/farines-animales-le-non-des-pisciculteurs-francais_1841211_3244.html