Depuis que l'innovation est devenue un enjeu politique, tous les moyens sont bons pour se féliciter de nos dispositifs de soutien et afficher le nombre de brevets que nos entreprises et nos chercheurs déposent.
Il faut donc le rappeler : la recherche n’est pas une fin en soi
Exemple 1 : DisaSolar, une microscopique start-up implantée dans le Limousin et qui a mis au point et breveté, avec le soutien du dispositif Carnot et d'OSEO, un panneau solaire de 3e génération, (un film souple imprimé d'une fine couche d'encre organique et qui produit de l'électricité sur le principe de la photosynthèse).
Ce programme de recherche, qui a coûté au contribuable français quelques millions d'euros, ne servira peut être à rien. L’entreprise ne parvenant pas à trouver les 10 millions d'euros qui lui permettront de construire sa ligne de production à Limoges et d'embaucher 120 salariés.
Faire sortir l'invention du laboratoire et du registre des brevets pour la transformer en " utilité " pour le consommateur, créer ou revitaliser une entreprise, générer le développement d'une filière industrielle, sont autant de défis que nous nous révélons trop souvent incapables de relever.
DisaSolar est l'une de ces petites entreprises qui ont su accéder à la recherche partenariale avec de grands laboratoires publics, bénéficier du crédit impôt recherche ou de financements garantis par OSEO.
Ces dispositifs font, d'ailleurs et de surcroît, que la France reste, et en dépit des nombreux défauts, un territoire attractif pour l'installation de centres de recherche de grandes entreprises internationales.
Exemple 2 (qui date de Mai 2012)
Le brevet du trottoir électrique détenu par la start-up toulousaine Viha Concept a été vendu à une entreprise américaine faute d'avoir trouvé un financement en Midi-Pyrénées.
Laurent Villerouge, le président de Viha Concept estime que le système français est verrouillé. Du coup il a décidé de fermer son entreprise et de s'installer à New York.
Le président de Viha Concept, Laurent Villerouge, ne décolère pas. Faute de financement il a dû se résoudre à vendre son brevet de trottoir électrique, développé avec l’Ecole nationale supérieure d'électrotechnique, d'électronique, d'informatique, d'hydraulique et des télécommunications et des PME toulousaines sous-traitantes, à l’entreprise californienne Harvest Energy.
Le trottoir électrique est composé de dalles au sol qui, lorsque les passants marchent dessus, transforment l’énergie mécanique des passants en énergie électrique alimentant des lampadaires à leds. Des tests ont été réalisés sur les allées Roosevelt à Toulouse au mois d’avril 2012.
Personne n’a voulu de son idée en France
Pour développer son projet, Laurent Villerouge avait besoin d’1,3 millions. Il a été refusé partout. « J’ai présenté mon dossier au Conseil Régional, à la Caisse des Dépôts et à Oséo. J'ai compris qu'ici on soutient l’aéronautique et la chimie ou que c’est trop long à mettre en place », regrette-t-il. Laurent Villerouge avait également remis son dossier à Nathalie Kosciusko-Morizet, la ministre de l’Écologie, lorsqu’elle était venue le 21 février 2012 pour le forum de l’innovation Futurapolis. « Mon dossier a été perdu et n’a jamais abouti », pointe le président de la start-up.
En colère, le chef d'entreprise a également fait parvenir aux différentes rédactions, une lettre de sa banque lui signifiant un découvert de 154 euros sur le compte de l'entreprise. « Cela montre à quel point les banques locales aident les PME et notamment Viha Concept », ironise Laurent Villerouge.
La mairie a « fait le maximum » mais échoué
L'entrepreneur estime que « c’est un problème de mentalité ». Un sentiment partagé par Alexandre Marciel, adjoint au maire en charge de l’éclairage public, qui soutient le projet. « Il y a un problème culturel à l’endroit d’une nouvelle source d’énergie qui recycle l’énergie de l’activité urbaine. Quand on parle d’énergies renouvelables, les financements sont fléchés vers la méthanisation, le solaire… », explique l’élu. Selon lui, la « municipalité a fait le maximum. Nous avons tenté à tous les niveaux. Je pense que ce départ est l’arbre qui cache la forêt. Il y a de nombreux chefs d'entreprise qui quittent la France pour des pays plus accueillants » analyse Alexandre Marciel.
Il ferme sa start up toulousaine et s’installe à New York
Face au système qu’il juge « verrouillé », le président de Viha Concept a choisi de partir aux États-Unis. Il s’est rapproché du MIT de Boston qui l’a mis en contact avec la Stony Brook University de New York et lui a fait rencontrer le chercheur Lei Zuo. « Pour signer un contrat de partenariat avec l’université de New York, il m’a fallu 4 heures », fait remarquer le chef d’entreprise. « Aux États-Unis, on regarde d’abord le projet et de quelle manière vous allez le développer. En France, on regarde de quelle somme vous disposez, quels diplômes vous avez et après on s’attarde sur le projet », peste Laurent Villerouge.
L’entrepreneur a décidé de fermer sa start-up et de remonter une entreprise à New York début 2013. Il travaillera avec Lei Zuo. Les brevets seront mis en commun. La vente du brevet de trottoir électrique, dans lequel est prévu un fixe et des royalties, lui permet de s’implanter et de développer un nouveau projet: il s’agit de récupérer l’énergie de l’essorage d’un lave linge pour faire chauffer l’eau chaude. Laurent Villerouge espère atteindre « 2 à 3 millions de chiffre d’affaires par an » à partir de 2015.