La justice n'a pas le pouvoir de s'opposer aux suppressions d'emplois, mais elle peut améliorer les conditions de départ. Depuis le début de la crise, plusieurs sociétés implantées en France ont, en effet, dû réécrire les plans sociaux qu'elles avaient présentés car ils ne respectaient pas certaines dispositions du code du travail.
1- Fin 2008, le géant américain de services pétroliers Halliburton avait annoncé la fermeture d'une unité de production à Pau (Pyrénées-Atlantiques). Les salariés ont saisi le tribunal de grande instance (TGI), jugeant insuffisantes les mesures d'accompagnement social proposées par leur employeur. Le juge leur a donné raison. Du coup, Halliburton a revu sa copie : augmentation de la durée des congés de reclassement et du budget alloué à la formation, prise en charge des frais de déménagement engagés par des salariés qui vont travailler dans une autre ville, versement d'"indemnités supralégales"...
2- Janvier 2009, le TGI de Nanterre, saisi en référé, a suspendu l'application du "plan de sauvegarde de l'emploi" (PSE) mis en place par le groupe de services informatiques Capgemini. Il prévoyait de réduire d'environ 250 postes l'activité outsourcing (sous-traitance informatique ou administrative), via des départs volontaires et des réaffectations vers d'autres fonctions au sein du groupe. Les juges ont notamment estimé que les "institutions représentatives du personnel" n'avaient pas été assez bien informées sur "la pertinence et les mesures" prises. Ils ont également reproché à Capgemini de méconnaître un accord de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) signé en 2005. Finalement, la direction et les syndicats ont réussi à s'entendre sur une nouvelle mouture du plan.
3- A Montauban (Tarn-et-Garonne), le fabricant de matériels de sonorisation Bouyer Fünkwerk a essuyé un revers encore plus cinglant puisque les juges ont annulé le PSE qui prévoyait de supprimer 68 postes sur 134. Les reclassements proposés "manquaient de consistance". La décision a été confirmée en appel mais les dirigeants de Bouyer Fünkwerk ont formé un pourvoi en cassation car ils considèrent avoir amélioré leur PSE. Si leur recours est rejeté par la haute juridiction, ils seront "renvoyés à la case départ" et devront reprendre la procédure depuis le début.
Depuis plusieurs années, ces recours ont tendance à prospérer, d'après Me Brihi, et débouchent, parfois, sur des décisions spectaculaires. Ainsi, 388 anciens salariés de l'usine Aspocomp à Evreux se sont partagé 11 millions d'euros de dommages et intérêts pour licenciement abusif. Fin janvier, General Trailers, ex-fabricant de semi-remorques, a été condamné, pour des raisons similaires, à verser 3,6 millions d'euros à 84 salariés licenciés en 2004.