Le 12 décembre 2013, le Théâtre Cervantès de Tanger aura 100 ans. Construit à partir de 1911 par l'architecte espagnol Diego Giménez et inauguré en 1913 comme l'annonce la superbe céramique jaune et bleue qui orne encore son fronton, le Gran Teatro Cervantes est aujourd'hui à l'abandon et au bord de la ruine.
Les fenêtres sont obstruées par de grands panneaux de bois, les murs s'effondrent et les deux anges protecteurs sur la magnifique terrasse qui domine la mer sont livrés à eux-mêmes. Un simple verrou sur la grille d'entrée, forcé à maintes reprises, interdit théoriquement l'accès du bâtiment qui fut le haut lieu de la culture tangéroise et du monde arabe jusqu'à sa fermeture, en 1962.
Au temps de sa splendeur, il pouvait accueillir chaque soir 1 400 spectateurs.
En plus de divers programmations artistiques, le théâtre a également hébergé de nombreux meetings antifranquistes pendant la guerre d'Espagne et, durant la guerre d'Algérie, certaines recettes des représentations étaient versées directement au FLN.
Le temps faisant, l'intérêt pour le Théâtre Cervantès s'est peu à peu effacé. Transformé en salle de catch puis de cinéma, il a été abandonné.
Aujourd'hui, contre quelques pièces de monnaie, il est facile de le visiter.
Qui est le propriétaire ?
C’est l'Etat espagnol. En 1928, ses richissimes propriétaires, Manuel Peña et son épouse, Esperanza Orellana, l'avaient, en effet, cédé à l'Espagne pour qu'il continue à assurer la présence culturelle ibérique à Tanger.
Mais les imbroglios diplomatico-administratifs entre Madrid et Tanger ont emporté le théâtre, qui est désormais loué à la municipalité pour un dirham symbolique.
Au début des années 1990, la restauration du théâtre a été étudiée par les autorités espagnoles, elle a vite été abandonnée devant les sommes à avancer. Selon certaines études, les travaux coûteraient environ 5 millions d'euros.
"L'effort financier pour remettre le théâtre en état doit passer par un projet viable de maintenance et, surtout, par un projet culturel. Lorsqu'il y avait des sous, il n'y avait pas d'idées et, quand les idées ont commencé à germer, il n'y avait plus de sous !", résume Cécilia Fernández Suzor, directrice de l'Institut Cervantès à Tanger.
Dernièrement, l'Etat espagnol a juste débloqué un petit budget qui a permis de refaire l'étanchéité de la terrasse et d'étayer le bâtiment pour freiner sa dégradation.
Des associations militent pour changer la donne
De nombreuses associations se sont créées pour tenter de sauver le Gran Teatro Cervantes. Parmi elles, Al Boughaz (Le détroit, créée par Taferssiti), qui milite pour un développement harmonieux, respectueux de l'environnement et du patrimoine, et Sostener lo que se cae (Soutenir ce qui tombe), dont le but est de récupérer le théâtre pour l'utiliser comme centre culturel.
Début mars, le consul général d'Espagne et le maire de Tanger se sont rencontrés pour évoquer le dossier. Aucune annonce n'a été faite. Mais les défenseurs du Cervantès ne désarment pas. A l'exemple des organisateurs du prochain festival littéraire Correspondances de Tanger (du 3 au 6 octobre), qui ont d'ores et déjà annoncé qu'ils feront des lectures publiques devant le bâtiment. "Nous avons sollicité Kenneth Branagh pour qu'il vienne y lire du Shakespeare", précise Simon-Pierre Hamelin, directeur de la Librairie des Colonnes, à Tanger, et promoteur de ce festival. Shakespeare au secours de Cervantès, cela aurait une certaine classe !
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