Le forum MIZANIA approuve ce message |
A l'heure où nous traversons une crise économique et sociale de grande ampleur, la haine et le rejet s'expriment de plus en plus ouvertement à travers l'Europe ; force est de constater que la classe politique française ne prend pas suffisamment la mesure d'une forme de racisme qui se manifeste désormais librement dès lors qu'elle se dissimule sous les atours d'une laïcité dévoyée de son sens historique, pour en faire, entre autres, un outil de stigmatisation et d'exclusion des musulmanes et des musulmans.
La laïcité par laquelle, selon l'article 1 de la loi de 1905, la République "assure la liberté de conscience" et "garantit le libre exercice des cultes", dans le respect mutuel des appartenances et l'égalité de toutes les croyances devant l'Etat, se retrouve détournée au profit d'une vision clivante, légitimant le rejet de l'Autre en prétendant participer à l'émancipation des personnes.
Il semble plus que jamais nécessaire de rappeler une vérité élémentaire : il n'existe pas de laïcité réelle sans liberté. Or cette liberté ne peut exister sans respect de la différence. Il s'agit ici de droits fondamentaux, établis par la loi de 1905, la Déclaration universelle des droits de l'homme ainsi que la Convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales.
Le devoir de neutralité, tel qu'invoqué par les tenants d'une laïcité d'exclusion, est la négation de toute forme de diversité. Il n'est ni plus ni moins qu'une censure de l'expression d'un choix, en l'occurrence religieux.
Dès lors, nous voulons réaffirmer notre volonté de vivre et d'évoluer dans une société où la différence est reconnue comme une richesse et où le respect de chacun, dans tout ce qui fait sa singularité, est une valeur centrale, en accord avec les droits humains tels qu'y souscrit notre pays.
Nous attendons de nos maires, de nos députés, de nos ministres et du président de la République, qu'ils soient les garants de ces droits, sans jamais céder à la tentation autoritaire de ceux qui voudraient, aujourd'hui comme hier, mettre à l'index des individus ou une communauté.
SURENCHÈRE LÉGISLATIVEPlutôt que de se lancer dans une surenchère législative qui viendra, une fois de plus, restreindre les libertés fondamentales au mépris des dispositions du droit positif, national et international, nous proposons de faire un état des lieux du développement de l'islamophobie en France.
Une commission parlementaire réunie sur ce sujet pourra étudier les dérives auxquelles a donné lieu l'instrumentalisation de l'identité nationale, des luttes féministes et de la laïcité, et prendre la mesure du racisme, voire de la haine, qui visent aujourd'hui nos concitoyens musulmans, ou perçus comme tels. Une telle commission devra également être pluraliste, indépendante, ouverte sur la société civile et capable de dresser un bilan objectif de la politique menée durant les dernières années.
Intellectuels, universitaires, élu(e)s, cadres associatifs, journalistes, artistes ou simples citoyen(ne)s, nous voulons croire que dans la France de 2013 il existe encore des responsables politiques capables d'être à la hauteur de ces enjeux, de se prononcer et d'agir clairement et efficacement contre le racisme et les discriminations.
Par un collectif d'intellectuels
Liste des signatairesArmelle Andro, démographe, Paris 1 ; Valérie Amiraux, sociologue, Université de Montréal ; Houssen Amode, chevalier de la Légion d'Honneur, président de l'association musulmane de la Réunion ; Jean Baubérot, historien et sociologue ; Laure Bereni, sociologue ; Christophe Bertossi, sociologue, directeur du Centre Migrations et Citoyennetés, IFRI, Paris ; François Burgat, politologue ; Samy Debah, professeur d'histoire, président du CCIF ; Dominique de Courcelles, chercheur en histoire comparée des religions, CNRS-CIRID ; Bruno Cousin, sociologue, maître de conférences à l'Université de Lille 1 ; Christine Delphy, sociologue, ENS ; Rokhaya Diallo, essayiste et chroniqueuse ; Abdelhak Eddouk, aumonier ; Renaud Epstein, politiste, Université de Nantes ; Nabil Ennasri, doctorant et écrivain ; Mireille Fanon-Mendès France, Experte ONU ; Eric Fassin, sociologue, Paris 8 ; Veysel Filiz, secrétaire général d'EMISCO ; Virginie Gautron, maître de conférences en droit pénal et sciences criminelles, Université de Nantes ; Virginie Guiraudon, politiste, CNRS et Sciences Po Paris ; Vincent Geisser, président du CIEMI ; Nacira Guénif, sociologue et anthropologue ; Abdellali Hajjat, sociologue ; Stéphanie Hennette-Vauchez, juriste, Université Paris Ouest Nanterre ; Jean-Marie Heydt, président de la conférence INGO du Conseil de l'Europe ; Noémie Houard, chercheuse associée au Centre de recherches politiques de Sciences Po ; Thomas Kirszbaum, sociologue, ENS Cachan ; Pierre Lenel, sociologue, Think Tank Different ; Raphaël Liogier, sociologue ; Françoise Lorcerie, CNRS ; Grégoire Mallard, sociologue ; Jean-Paul Martin, historien ; Virginie Martin, politologue, présidente de Think Tank Different ; Zaouia Meriem, syndicaliste ; Kamel Meziti, historien des religions, secrétaire général du Gric ; Marwan Mohammed, sociologue ; Marwan Muhammad, statisticien, porte parole du CCIF ; Catherine Samary, économiste, militante altermondialiste ; Frédéric Sarkis, conseiller municipal EELV, membre fondateur de la coopérative "laïcité n'est pas racisme!" ; Madjid SI Hocine, médecin, animateur de l'Egalité d'abord ; Patrick Simon, démographe, INED ; Sihem Souid, chroniqueuse ; Djamel Djeziri, chercheur en gnostique et Consultant-dirigeant en Management ; Line Sultani, chef d'entreprise ; Pierre Tevanian, professeur de philosophie, auteur ; Tommaso Vitale, sociologue, Centre d'études européennes, Sciences Po, directeur scientifique du Master "Governing the Large Metropolis" ; Valentine Zuber, Ecole Pratique des Hautes Etudes.