La France et les officiers de « Sangaris » avaient décidé de faire de Mbaiki, une bourgade au sud-est de Bangui, un symbole de « vie ensemble entre les communautés » et de « réconciliation ».
Pari perdu. Des milliers de musulmans chassés de leurs villages et réfugiés à Mbaiki se sont résolus à partir.
Sauf un : Saleh Dido était le dernier musulman de Mbaiki. Commerçant, transporteur et maire-adjoint, il avait, contre l'avis de sa famille, décidé de rester en Centrafrique.
« Je suis né ici. J'ai fait des enfants ici. Je suis à la mairie depuis 5 ans, j'ai prêté serment, je suis patriote. Pourquoi devrais-je partir ? Je veux vivre dans mon pays… » Ainsi parlait Saleh Dido.
Son grand-père était venu du Tchad en 1918, et lui se sentait centrafricain. Il reconnaissait que la purification ethnique avait vaincu la coexistence intercommunautaire, puisqu'il était le dernier musulman. Il reconnaissait que les miliciens anti-balakas étaient « venus trois fois [le] menacer » et que « rien ne les empêchait de [le] tuer ». Pourtant il restait.
Depuis trois semaines, les hommes de Sangaris ne sont pas revenus à Mbaiki, et ceux de la force africaine Misca restaient dans leur base, ne patrouillant jamais. Les anti-balakas étaient, comme sur le territoire de la moitié de la Centrafrique, les maîtres de la ville.
Les tueurs sont venus chercher Saleh Dido chez lui, dans le quartier de Baguermi, vendredi 28 février 2014, a-t-on appris par une enquêtrice d'Amnesty International. Il a fui sa maison pour chercher refuge à la gendarmerie. Les miliciens l'ont intercepté sur la route. Ils lui ont tranché la gorge.
Après sa mort, les voisins chrétiens du dernier musulman de Mbaiki ont protégé sa femme, enceinte, et ses enfants, qui ont plus tard été évacués par la Misca vers Bangui, en attendant un convoi ou un avion vers l'étranger.
Paix sur son âme.