Trop de mal-logés à Casablanca. En témoignent les nombreuses poches d’habitat insalubre qui ne cessent de prendre du volume depuis plus d’une décennie. Le phénomène, qui a commencé à prendre de l’ampleur depuis 1994, persiste et se diversifie, selon une enquête réalisée par le ministre de l’Habitat dans le cadre d’une étude sur la région, publiée jeudi 25 décembre. Crise de logement oblige, l’habitat sous-intégré est un corollaire direct du déficit en habitations qui ne cesse de creuser le gap entre offre et demande sur le Grand Casablanca.
Pourtant, selon l’enquête, le parc de logements est en constante progression.
De 360.000 unités en 1980,
il est passé à 597.000 unités en 2002.
En 2007, quelque 725.000 unités y sont comptabilisées.
Soit une progression annuelle de +2,6% depuis 1980 et de +4% depuis 2002. Sur la totalité de ce parc, 85% sont dédiés à un usage d’habitation, 8% sont à usage professionnel et 6% restent vacants.
Mais l’étude de l’Habitat révèle une forte insuffisance du marché immobilier résidentiel. Elle indique un manque cumulé de 162.000 unités à ce jour (dont 50% liés à des bidonvilles) auquel s’ajoutent des besoins additionnels estimés à près de 5.000 unités/an.
Rappelons que 3,86 millions de personnes et 840.000 ménages résidaient en 2007 dans le Grand Casablanca. En 2012, ils seront près de 4,27 millions d’habitants et plus de 930.000 ménages. Les chiffres passeront à 4,81 millions et 1,09 million en 2020. C’est dire l’importance des besoins. Pour la période 2007-2012, l’étude estime les besoins en logements à près de 40.000 par an en tenant compte notamment de la résorption des bidonvilles. Par ailleurs, l’enquête y relève une croissance plus forte en nombre de ménages (+2,9% par an) qu’en nombre de personnes (+1,5%/an).
Du coup, cette inadéquation manifeste entre l’offre et la demande aboutit à une prolifération de l’habitat insalubre ou précaire et une densification du logement. Un tour dans la ville, et pas seulement dans les quartiers périphériques, permet de mesurer l’étendue de cet habitat sommaire. L’enquête de l’Habitat recense quelque 98.000 ménages logeant dans des bidonvilles, soit +75% depuis 1994. Pour les 5 dernières années (2002-2007), la prolifération de ce type d’habitat s’est poursuivie avec un accroissement de 7% par an. L’étude du ministère relève, en outre, l’extension de quartiers d’habitat non réglementaire. Ce phénomène, insignifiant avant 1994, est aujourd’hui en forte croissance, notamment sur les communes rurales du Grand Casablanca. Les enquêteurs du ministère y recensent quelque 35.000 ménages.
Autre dysfonctionnement relevé par les enquêteurs, la surdensité d’occupation qui est notée dans les médinas et autres quartiers de la ville. Ce qui se traduit par différentes distorsions, dont notamment la cohabitation, autre «solution» souvent envisagée par de nouveaux ménages en mal de logement. Pourtant, l’enquête qui énumère différentes formes dans cette cohabitation ne fait ressortir, ici, qu’un taux de 1,1 à 1,15 % de ménage par logement.
On s’en doute, en effet, les dysfonctionnements du secteur immobilier appellent des mécanismes d’ajustement qui sont mis en place spontanément. Pour commencer, la première incidence est d’ordre économique et se manifeste par une hausse des loyers et des prix des logements destinés aux ménages à faibles revenus. Ce qui se manifeste par une exacerbation du phénomène de la cohabitation et sa diversification: logement chez l’habitant, baraques dans les bidonvilles ou encore habitations sur des terrasses d’immeubles.
L’autre ajustement est d’ordre socio-familial avec des jeunes qui ne quittent le domicile familial que tardivement. Ce qui se traduit par une augmentation du nombre de ménages par logement.
Phénomène récent aussi, le développement de l’habitat clandestin à la périphérie urbaine (Lahraouyine, Dar Bouazza, Bouskoura,…). Le dernier ajustement relevé par l’enquête de l’Habitat est, quant à lui, démographique et se traduit par le détournement des flux migratoires, la crise du logement jouant un facteur dissuasif sur l’installation de nouveaux migrants. Une conséquence de cet état de fait se traduit par une amorce de l’exode urbain résidentiel vers les villes voisines. Par type, l’enquête du ministère relève une prédominance du type de logement collectif. Il s’agit essentiellement de logements collectifs en immeubles. Ce sont généralement des appartements nouveaux localisés préférentiellement dans des quartiers populaires. D’ailleurs, selon l’étude de l’Habitat, plus de 80% des logements construits ces dernières années sont des appartements en immeubles collectifs et 16% sont des maisons à caractère économique.