Danone s'est fixé un objectif de réduction de 30 % du nombre de kilos de CO2 émis par kilo de produit (laitiers et eau) d'ici à 2011. A cette date, 5 marques de son portefeuille devront également être neutres en carbone.
1 litre d'Evian = 121 grammes de CO2 et que Danone en produit 1,5 milliard par an.
L'empreinte carbone de ce litre d'Evian :
L'emballage représente le principal poste d'émission, 75 %. L'emploi d'un quart de PET, un plastique 100 % recyclable lui-même recyclé, dans la fabrication de la bouteille, a déjà permis de diminuer les émissions de CO2.
Le poids de la bouteille devrait également diminuer pour passer de 32 g à 28 g (le consommateur habitué à une bouteille rigide, sera-t-il conquis ?)
Transport : Plus de la moitié de la production est distribuée à l'étranger. L'empreinte carbone grimpe à 198 g de CO2 par litre.
Danone estime que les émissions "incompressibles" d'Evian s'élèveront, en 2011, à 200 000 tonnes équivalent CO2. Pour atteindre la neutralité, une seule solution : compenser. C'est dans cet objectif qu'a été créé, fin 2008, le Fonds Danone pour la nature, en partenariat avec la convention internationale Ramsar sur les zones humides et l'Union mondiale pour la nature (UICN), et doté de 3 millions d'euros pour l'année 2009.
Dans cette opération, la marque Evian n'est pas choisie au hasard. Son rythme de production ne sera pas exponentiel, compte tenu des contraintes de régénération de la nappe phréatique. Les émissions induites ne risquent donc pas de s'envoler.
La marque bénéficie désormais d'une reconnaissance officielle de ses efforts environnementaux : l'impluvium d'Evian, situé sur le plateau de Gavot, est en effet classé site Ramsar, zone humide d'importance internationale, depuis fin 2008. Mais, pour compléter le tableau, il faut une cerise à mettre sur le gâteau. Elle se trouve au Sénégal, sous la forme d'une spectaculaire opération de replantation de mangroves.
Depuis 2006, l'équipe de l'association Océanium mobilise des centaines de villages en Casamance et dans le delta du Saloum pour reconstituer cet écosystème humide riche en biodiversité. Sous la houlette du militant écologiste Haïdar El Ali, des équipes sillonnent ces zones du sud du pays pour projeter des documentaires aux villageois.
Au programme : explications de la fonction écologique et économique de la mangrove. Barrière naturelle entre eau douce et eau marine, elle protège aussi les alevins – des petits poissons – de leurs prédateurs naturels. A plusieurs centaines de kilomètres de Dakar, on ne se préoccupe pas de séquestration de carbone, mais de stopper, au plus vite, l'avancée de l'eau salée sur les rizières et la disparition des poissons. "Ici, notre priorité est la lutte contre la pauvreté et, en premier lieu, l'autosubsistance. La nature a besoin d'un coup de pouce : il faut semer plus vite qu'elle ne le ferait elle-même", explique Haïdar El Ali.
En 2008, la campagne de sensibilisation a payé : 150 villages ont planté 6 millions de palétuviers. Cette année, pour la première fois, Danone a subventionné Océanium, à hauteur de 700 000 euros, pour permettre l'achat de matériel de coordination (véhicules, téléphones portables, pirogues, sacs de semences) et agrandir l'échelle de l'opération de reboisement. Résultat : 35 millions de palétuviers ont été plantés, en 3 mois, pendant la saison des pluies, par quelque 78 000 personnes dans 323 villages.
Pour qu'Evian devienne neutre, il faudra autant en acheter autant que d'émissions résiduelles, c'est-à-dire 200 000 tonnes. Il n'existe pas aujourd'hui de méthodologie certifiée pouvant générer des crédits sur de grandes surfaces de mangrove. 5 experts de l'UICN travaillent donc actuellement au Sénégal pour effectuer les relevés de l'opération, première étape indispensable aux futurs calculs de potentiel de séquestration. "Le terrain est difficile : les parcelles reboisées sont petites et nombreuses et avec des paramètres variés. C'est un cas d'école intéressant pour faire avancer les méthodologies", souligne Rémi Gouin, consultant et coordinateur du projet à l'UICN. D'après les recherches de ces scientifiques, la mangrove, qui couvrait 160 000 hectares au Sénégal dans les années 1970, a perdu 25 % de sa surface. La cause la plus préoccupante de sa disparition serait les aménagements du territoire, routes et barrages, qui auraient favorisé la remontée de l'eau salée et modifié les conditions propices à son développement.
Dans ce contexte, la mangrove fraîchement plantée d'Océanium poussera-t-elle ? "Il y a des risques relativement élevés que la mangrove reste petite", répond Rémi Gouin. D'après le spécialiste, une mangrove adulte dans des conditions idéales peut séquestrer 500 tonne équivalent CO2 par hectare. "Dans le cas du Sénégal, on l'ignore encore : entre 50 et 100 peut-être", souligne-t-il. La réponse ne sera donnée que dans plusieurs années. Avec un risque pour les villageois sénégalais : que les résultats escomptés soient décevants et qu'une fois Evian neutre en carbone, Danone aille planter ailleurs.
Extraits du www.lemonde.fr