Les chiffres officiels de la RATP : L'indice de régularité du métro atteint chaque année 99 % et celui du RER plus de 90 %. Le reste n'est que ressenti, stress et billevesées. Et tant pis si de tels pourcentages font bondir les associations de voyageurs et autres agglomérats de chair comprimée.
Alors, comment sont établies ces statistiques ?
Fait-on comme à Berlin ou Londres, en établissant un ratio entre le nombre de rames prévues sur un créneau horaire et le nombre de rames effectives qui circulent ? Trop carré, trop pragmatique, bref, trop allemand ou anglais, au pays de Courteline.
Dans le métro, est considéré en retard un voyageur qui attend sur le quai :
- plus de 3 minutes en heures de pointe (7 heures-9 h 30 ; 17 h 30-19 heures),
- plus de 6 minutes en heures creuses
- plus de 10 minutes en heures de nuit (après 22 heures).
Le pourcentage de voyageurs en souffrance répond à un savant calcul qui nécessite de s'accrocher à la barre. L'équation prend en compte matrice de référence, étude de flux, fréquence des rames, etc.
Pour le RER, la mesure est à peine plus simple. Sont comptabilisés à l'heure les voyageurs arrivant avec un retard inférieur à 5 minutes à leur gare de destination, quelle qu'elle soit sur la ligne. Si un train prend progressivement du retard, par exemple 4 minutes à Fontenay-sous-Bois, puis 6 minutes à Champigny, seuls les voyageurs descendant à Champigny seront considérés en retard.
A ce stade, il faut avoir en mémoire les leçons d'intervalles et de robinets qui gouttent de l'école primaire ou sauter les lignes qui suivent. En heure de pointe, la cadence prévue du RER A est d'un train toutes les 2 minutes. Si une rame sur deux ne passe pas (soit une baisse de moitié du trafic), la cadence devient d'un train toutes les 4 minutes. Donc reste inférieure aux 5 minutes requises pour la mesure de la régularité. Donc 100 % de régularité, alors que le trafic n'est que de 50 %.
Les jours de grève ne sont pas comptabilisés dans les statistiques.
Un tableau de bord interne à la RATP, que Le Monde s'est procuré, utilise un mode de comptage différent. Il mesure prosaïquement les rames de RER qui ont un retard supérieur à 5 minutes au terminus. Les chiffres augmentent alors sensiblement.
- Pour le RER A, en 2009, le taux de retard atteignait entre 23 % et 40 %, selon les branches et les terminus desservis.
- Pour le RER B, les retards varient entre 33 % et 45 %, selon les branches. Auxquels s'ajoutent entre 2 % et 3 % de trains purement et simplement supprimés.
La RATP a quelque intérêt pratique à afficher des statistiques honorables. Selon le contrat qui la lie au STIF, elle perçoit des bonus qui se chiffrent en millions d'euros si la régularité du métro est supérieure à 98 %. Elle doit déduire des malus en deçà de ce seuil. La RATP fait elle-même les calculs qu'elle transmet au STIF, ce dernier évoquant "un devoir de réserve" quand on aborde le sujet de la régularité.
D'ailleurs, les deux structures ne font guère la publicité de ces pourcentages élogieux, bien conscients qu'ils vont à l'encontre de la vox populi.
Conscients de ce décalage, la RATP et le STIF ont affiné leurs statistiques. Avant 2008, les indices étaient calculés sur l'ensemble du réseau, les lignes fiables rattrapant les autres. Désormais, le calcul se fait ligne par ligne, avec les bons élèves (ligne 11, lignes 1 et 4) et les - très relatifs - cancres (lignes 2, 6, 13).
Dans le contrat de 79 pages (plus les annexes) liant les deux parties, figure également une "mesure de production", fixant ligne par ligne un nombre minimum de rames et de kilomètres à effectuer dans la journée. Mais, selon les syndicats, il existe là encore une échappatoire. Après une heure de pointe à problèmes, il est possible de rattraper les mauvais chiffres en injectant des rames supplémentaires en heures creuses. Dans le jargon, les conducteurs appellent cela "traîner des banquettes". Cela fait des bons chiffres, mais pas forcément des usagers satisfaits.
La RATP ne se leurre guère, elle-même, sur la réception qui peut être faite des chiffres officiels. Le "plan régularité du RER A", établi par la direction en septembre 2008, évoque sans fard des "difficultés d'exploitation". Les rapports de la Régie en conviennent : "la régularité se dégrade" depuis 10 ans, quand les objectifs ne cessent en revanche d'être rehaussés.