Malgré la crise, les agriculteurs espagnols continuent de faire appel aux travailleurs saisonniers marocains. Notamment les femmes dont la main-d’œuvre est très demandée pour récolter la fraise dans les champs de Huelva, dans la région de Cartaya.
Cette année, les premiers contingents de travailleuses sont partis le 18 février. Cette opération supervisée et gérée par l’Anapec (Agence nationale de promotion de l’emploi et des compétences) a concerné 1.035 ouvrières. Ce chiffre s’ajoute aux 4.870 contrats, en cours de signatures. En 2009, les saisonnières marocaines ont représenté 15% des ouvrières étrangère employées par les agriculteurs espagnols dans la région de Huelva et surtout la deuxième communauté, selon l’INE (Instituto Nacional de Estadisticas).
Pour ces femmes, issues de régions rurales assez pauvres, ces contrats de travail à l’étranger sont une source de revenus non négligeables. Et leur permettent souvent de vivre toute l’année grâce à l’argent ramené d’Espagne. L’économie locale en profite aussi puisqu’elles équipent la maison en électroménager. Ces contrats sont à durée déterminée, entre 3 et 6 mois, assujettis à la législation espagnol et comprenant une période d’essai de 15 jours. Le salaire journalier est de 37 euros, logement compris.
Depuis le lancement en 2005 des opérations de recrutements d’ouvrières agricoles saisonnières, près de 30.000 femmes mariées, divorcées ou veuves ont été concernées. Elles ont toutes un ou plusieurs enfants à charge. Toutefois, depuis 2008, l’Anapec a enregistré une réduction du nombre de travailleurs saisonniers et permanents en provenance du Maroc.
Plusieurs facteurs sont en cause:
- La crise économique, en tête. D’autre part, la crise économique que traverse l’Espagne a provoqué une augmentation de l’offre de main d’œuvre locale disponible pour la campagne agricole.
- Depuis l’entrée de la Bulgarie, la Hongrie et la Pologne dans l’espace communautaire européen, seul le contingent marocain bénéficie encore des dispositions espagnoles relatives au recrutement en origine.
- Le climat a aussi contribué à la réduction de la demande de main d’œuvre étrangère. Les pluies inhabituelles qui se sont abattues sur la région de Huelva ont endommagé de nombreuses plantations, réduisant le nombre de jours de travail offerts par la campagne agricole.
Si le travail saisonnier en Espagne est source de revenus, il n’en comporte pas moins des contraintes et des difficultés. De fait, les conditions de logement de ces ouvrières font l’objet de polémiques. Certains patrons, peu scrupuleux, offrent des conditions d’hébergement en dessous de toutes normes. «Il s’agit souvent de baraques en préfabriqué éloignées des zones urbaines et où le minimum en matière d’hygiène n’est pas respecté», souligne une étude sur le «rapport entre migration circulaire et développement » menée par Chadia Arab – chercheuse au CNRS ESO-Angers Futeh.
Dans une optique d’offrir à ces femmes de meilleures conditions de travail, plusieurs actions ont été menées par les différents acteurs. Ainsi, l’Anapec organise régulièrement des visites sur le terrain pour évaluer les conditions de travail. De plus, les travailleuses bénéficient d’un suivi local par des médiateurs sociaux (recrutés par la Mairie de Cartaya et des membres d’ONG. Ces personnes sont chargées d’assister les ouvrières en cas de problème durant la campagne).
Afin de limiter les barrières culturelles entre ces femmes et leurs employeurs, l’Etat leurs assure des cours de langue espagnole, l’apprentissage de navigation sur internet, un accès au planning familial et des campagnes de prévention contre les violences. Enfin, le plus grand apport de cette expérience pour ces femmes est sans nul doute leur émancipation. «Certaines qui n’étaient jamais sorties du village sans être accompagnées d’un homme, font aujourd’hui le tour du Maroc sans difficulté, travaillent ailleurs que dans leur région d’origine», souligne Chadia Arab. Cette émancipation se traduit parfois par un changement de rapport de force au sein du foyer où la femme devient la principale source de revenus.
Sélection
Pour bénéficier de ce programme les femmes doivent avoir au moins un enfant de moins de 18 ans, être divorcée, mariée ou veuve. Ces critères de sélection permettent au Maroc d’assurer le retour des ouvrières. Ainsi, plus les obstacles s’accumulent plus cette assurance augmente. Par exemple, une femme avec trois enfants a plus de chance d’être prise qu’une femme avec 1 enfant. Ces critères de sélection sont fortement contestés par les acteurs associatifs qui y trouvent une atteinte aux droits des femmes et une cause de déstructuration familiale.