Quelques mois à peine après son adoption, la circulaire fixant les nouvelles règles déontologiques pour les analystes financiers commence déjà à faire des mécontents.
Pour rappel, c’est un double objectif que s’était assigné le gendarme de la Bourse à travers ce nouveau cadre déontologique, inspiré directement de l’expérience de l’Autorité des marchés boursiers française :
• La formalisation des meilleures pratiques en matière déontologique
• Le traitement de la redoutable question des «conflits d’intérêts».
«Des mesures destinées à l’amélioration de la qualité des analyses», déclare-t-on auprès du CDVM. Ce n’est pourtant pas de l’avis de tous les analystes. En effet, certains d’entre eux ne mâchent pas leurs mots pour dénoncer une véritable «aseptisation de la profession» provoquée par la circulaire. De ce fait, les nouvelles dispositions seraient de nature à limiter considérablement la marge de manœuvre de ces professionnels de la finance. Le premier volet critiqué se rapporte au principe de «clarté d’analyse». «Un principe insuffisamment défini et qui peut prêter à confusion car il n’existe aucun critère permettant de juger du degré de clarté d’une analyse donnée», indique un analyste.
Les dispositions de la circulaire impliquent également que les analyses et les conseils doivent obligatoirement «refléter l’indépendance de jugement des analystes». Ainsi donc sont définies les règles déontologiques minimales qui doivent être appliquées. Ces dernières concernent, de fait, tous les analystes financiers quel que soit le statut de leur employeur. Là aussi une autre lacune est révélée.
«A ce jour, il n’existe encore aucune procédure à même de prévenir les influences ou pressions qui pourraient être exercées sur les analystes financiers ou de préserver de manière effective leur indépendance», explique un analyste. La circulaire se borne en effet à énumérer les mesures préventives et celles relatives à la gestion des conflits d’intérêts auxquels sont exposés tant l’établissement employeur que les analystes pris individuellement. Elle précise la nature des conflits d’intérêts pouvant être contrebalancés par une obligation de divulgation de la part des analystes et se limite à établir certaines normes de pratique et d’information dans le but d’assurer une meilleure protection des investisseurs. Le projet de circulaire, avant même son examen par les administrateurs du CDVM, avait pourtant fait l’objet d’une large consultation auprès de l’ensemble des professionnels de l’analyse financière. Mauvaise appréciation?
Régime particulièrement répressif
L’usage indu d’une information privilégiée est passible d’un emprisonnement allant de 3 mois à 2 ans et d’une amende pouvant atteindre le quintuple du profit éventuellement réalisé, sans toutefois que cette dernière puisse être inférieure à 200.000 DH.
L’infraction de communication par toute personne à un tiers en dehors du cadre normal de sa profession ou de ses fonctions d’une information privilégiée. Celle-ci est punie d’une peine privative allant de 3 mois à un an et d’une amende de 20.000 à 100.000 DH. Pour ce qui est du coupable de diffusion d’informations fausses ou trompeuses, ce dernier risque une peine d’emprisonnement de 3 mois à 2 ans et d’une amende de 10.000 à 500.000 DH.
Circulaire des analystes (suite)
Au niveau de l’épineuse question des conflits d’intérêts, le gendarme de la Bourse appelle les analystes à recourir à leur hiérarchie en cas de problème. De leur côté, les employeurs doivent stipuler, dans leur règlement intérieur, la démarche à suivre en cas de conflits d’intérêts. Pour mieux cerner cette notion, le CDVM en apporte une définition. «Le conflit d’intérêts résulte notamment des relations que peut entretenir l’employeur de l’analyste avec l’émetteur». C’est, également, le cas des opérations effectuées par l’établissement pour son propre compte ou encore des liens en capital de l’employeur avec l’émetteur. Et pour éviter les incidents, le régulateur recommande aux employeurs (les sociétés de Bourse et d’intermédiation) de mettre en place une organisation adéquate pour limiter la diffusion d’informations. Le cas de diffusion d’informations de l’émetteur en cours de préparation est particulièrement illustratif. En effet, «dans le cadre d’opérations de banques d’investissement, l’analyste financier, même faisant partie de l’équipe, n’a pas à être informé des opérations financières en préparation de l’émetteur.
Autre interdiction, l’utilisation d’informations détenues par d’autres départements de l’employeur des analystes. A ce propos, l’analyste ne doit en aucun cas utiliser les informations obtenues à travers les relations bancaires habituelles avec l’émetteur. Idem pour celles relatives aux ordres en Bourse dont l’exécution aurait une influence sur la valeur concernée.
Par ailleurs, la circulaire met en garde contre les situations de conflits d’intérêts personnels de l’analyste. Dans ces cas, il peut s’agir de détention de titre émis par l’émetteur objet de l’analyse, de l’embauche d’un membre de la famille de l’analyste dans la société émettrice, la détention d’une participation du proche dans le capital de l’émetteur, ou encore la présence d’une personne proche dans le management de l’émetteur (la liste est non exhaustive).
Concernant les opérations personnelles des analystes, le gendarme de la Bourse est catégorique. Il leur interdit de procéder à la moindre transaction, directement ou par personne interposée sur les titres de l’émetteur objet de son analyse, pendant le mois qui suit la note et 3 mois après. «La disposition ne s’applique pas pour les introductions en Bourse», précise le CDVM. Pour les cas de détention fortuite, l’analyste doit les confier sous forme de mandat de gestion.
Rémunération
Interdiction formelle d’accepter des dons ou cadeaux de quelque nature que ce soit des clients susceptibles d’influencer son analyse. Sa rémunération n’est conditionnée que par la qualité de son travail. Elle ne doit être liée ni à un succès éventuel de l’opération ni au volume d’affaires réalisé.