Le projet de loi sur l'immigration, examiné par l'Assemblée nationale à partir du mardi 28 septembre. Le texte, qui comporte 84 articles et 472 amendements, entend faciliter le renvoi des étrangers en situation irrégulière.
Extension de la déchéance de nationalité
Modification de l'article 222-14-1 du code pénal relatif aux violences envers les personnes dépositaires de l'autorité publique. Dans le cas de violences ayant entraîné la mort, une mutilation ou une infirmité permanente, le coupable pourra être déchu de la nationalité française si celle-ci a été acquise moins de 10 ans avant les faits, et à condition que cette déchéance n'ait pas "pour résultat de rendre apatride l'auteur des violences".
Expulsion des étrangers communautaires
Espace Schengen ou non, un étranger venant d'un pays de l'Union européenne peut circuler librement pendant 3 mois dans n'importe quel autre Etat membre. Le projet de loi propose qu'un ressortissant européen fasse l'objet d'une mesure d'éloignement en cas d'"abus d'un court séjour" – moins de 3 mois – lorsqu'il multiplie des allers-retours "dans le but de se maintenir sur le territoire" ou s'il constitue "une charge déraisonnable pour le système d'assistance sociale". Cette disposition, dont la conformité avec le droit européen reste à démontrer, a été ajoutée notamment afin d'expulser plus facilement les Roms en situation irrégulière.
Réduction du périmètre d'action du juge des libertés et de la détention (JLD)
Souvent critiqués par l'exécutif pour leur "laxisme", les JLD verraient leur rôle limité par ce nouveau texte s'il est adopté en l'état. "En France, deux juges interviennent dans la procédure d'éloignement : le juge administratif (tribunal administratif), qui se prononce sur la légalité de la mesure d'éloignement ; le juge judiciaire (juge des libertés et de la détention), qui se prononce sur la régularité de la procédure et le maintien en rétention", précise-t-on en préambule du projet de loi.
Actuellement, les délais imposent au JLD de se prononcer avant le juge administratif. Sur les préconisations du rapport Mazeaud (PDF), le texte propose de porter à 5 jours le délai de saisine du JLD. Ce magistrat n'interviendrait ainsi qu'après que l'administration se soit prononcée sur l'éloignement ou non d'un étranger interpellé. Selon l'Union syndicale des magistrats administratifs, cette inversion va "mécaniquement entraîner une hausse sans précédent de la contestation des arrêtés de rétention devant les juridictions administratives". "Asphyxier le juge administratif [et] affaiblir le JLD [revient à] aliéner la justice à l'objectif de reconduire toujours plus", estime le syndicat.
Transposition de la directive "retour"
Les députés européens avaient adopté le 18 juin 2008 la directive "retour" établissant notamment des "standards minimaux en matière de durée de rétention et d'interdiction de retour" des immigrés en situation irrégulière. 12 articles du projet de loi sont consacrés aux détails techniques de la transposition de ces "standards" dans le droit français. En particulier, le texte prévoit qu'un étranger en situation irrégulière renvoyé vers son pays peut être interdit de séjourner sur tout le territoire européen pendant une durée maximale de 5 ans.
Limitation du droit des étrangers malades
Le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit qu'un étranger peut bénéficier d'un titre de séjour si son "état de santé nécessite une prise en charge dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité" et "sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire".
Les débats porteront sur le terme "effectivement" de cet article. Un amendement (PDF), déposé par le député UMP Thierry Mariani et adopté en commission des lois, entend gommer ce terme. Mais des députés de l'opposition et de la majorité ont déposé d'autres amendements visant à laisser le texte en l'état.
Comme le note le député UMP Etienne Pinte, très critique envers la politique du gouvernement envers les étrangers, "s'interroger sur l'existence d'un traitement dans le pays d'origine de l'intéressé est dénué d'intérêt si l'on ne prend pas soin de vérifier qu'il y aura accès. En effet, dans l'immense majorité des pays, les traitements existent, mais ils sont réservés à une élite. Si le traitement existe mais que l'intéressé ne peut y accéder en pratique, les conséquences d'une exceptionnelle gravité sont inéluctables : aggravation de la pathologie, progression des complications, voire décès".
Mariages "gris"
Les "mariages gris", extrêmement difficiles à qualifier, désignent des mariages conclus entre un étranger et un ressortissant français au détriment de ce dernier, considéré comme abusé par son partenaire. Le texte propose que ces mariages soient désormais passibles d'une peine de 7 ans d'emprisonnement, au lieu de 5, et d'une amende de 30 000 euros, contre 15 000 actuellement.