C'est un autre sujet de friction entre Orange, SFR, Bouygues Telecom, et Free. Un sujet un peu technique mais d'autant plus sensible que Free Mobile, qui propose depuis le 10 janvier des forfaits deux fois moins chers que le marché, engrange des dizaines de milliers de nouveaux clients par jour. Il s'agit de la "terminaison d'appel" pour les SMS.
La "terminaison d'appel", c'est le montant qu'un opérateur verse à un concurrent, quand un de ses clients passe une communication qui emprunte le réseau de ce dernier. En règle générale, quand les opérateurs sont de même poids économique, ils se facturent les uns les autres le même prix.
Mais dans le cas où un nouvel acteur se lance, avec un réseau encore incomplet, il arrive qu'il bénéficie d'une terminaison d'appel asymétrique. Cela se conçoit : ses clients, encore peu nombreux au début, appellent davantage vers les réseaux concurrents. L'asymétrie vise alors à compenser cette "double peine".
Dans le cas de Free (mais aussi des opérateurs mobiles virtuels Lycamobile et Oméa Telecom), l'Arcep, le gendarme français des télécommunications, a proposé qu'il bénéficie d'une terminaison pour les appels vocaux de 2,4 centimes par minute pour le premier semestre 2012, puis de 1,6 centime jusqu'à fin 2012, contre 1,5 puis 1 centime d'euro pour les trois opérateurs historiques.
Le projet de décision était soumis à consultation publique jusqu'au 27 janvier. Orange, SFR et Bouygues Telecom ont renâclé : ils auraient préféré un traitement symétrique, mais, à ce jour, aucun n'a saisi l'Arcep. " Sur un mois, ce sont quelques centimes d'euro par forfait que nous devrons reverser à Free, ce n'est pas énorme", selon l'un des opérateurs.
C'est la terminaison d'appel des SMS qui, elle, ne passe pas du tout. Fin décembre 2011, Free a demandé à chacun des trois opérateurs 2,85 centimes par texto acheminé sur son réseau pour les 6 premiers mois de 2012, puis 2,35 centiles pour le second semestre. Soit un différentiel de 1,35 centime par SMS tout au long de 2012.
Les concurrents ont sorti leurs calculettes. "Prenez un jeune qui envoie 500 SMS par mois sur le réseau de Free, cela fait 1,35 centime multiplié par 500, soit 6,75 euros par mois qu'on verse à Iliad par forfait ! ", s'étrangle l'un d'eux.
"Avec ce différentiel, Iliad nous demande de payer pour les SMS de ses clients. Cela lui permet d'offrir des forfaits très peu chers (19,99 euros pour de l'illimité, voix, SMS, mais sans le téléphone). C'est totalement inacceptable. Il nous prend pour des pigeons", déclare Didier Casas, secrétaire général de Bouygues Telecom.
"L'asymétrie nous paraît légitime. Notre réseau est encore en cours de construction et le coût d'un texto, pour nous, est théoriquement plus élevé que pour nos concurrents", assure Maxime Lombardini, directeur général d'Iliad, maison mère de Free. "Nous avons été très raisonnables. Nos concurrents critiquent nos exigences, mais nous demandons une terminaison d'appel SMS inférieure à celle dont ils bénéficiaient encore il y a quelques mois. Entre 2006 et fin septembre 2010, Bouygues Telecom était à 3,5 centimes d'euro par SMS (contre 3 centimes pour Orange et SFR) ", ajoute-t-il.
L'Arcep avait fixé des conditions avantageuses pour Bouygues Telecom, qui avait décroché sa licence 3G après Orange et SFR. Depuis le 1er juillet 2011, ils sont tous les trois traités à la même enseigne : 1,5 centime d'euro la minute (1 centime à partir du 1er juillet 2012). "Bouygues Telecom a certes, dans le passé, bénéficié d'un différentiel sur la terminaison d'appel, mais qui n'a jamais excédé 17 % ", note M. Casas.
L'Arcep considère pour l'instant que c'est aux opérateurs de s'entendre. A moins qu'elle soit saisie par l'un d'eux pour un "règlement de différend". Lundi 30 janvier, aucun des trois historiques n'avait entrepris la démarche. En attendant qu'une solution se dessine, ils pratiquent le bill and keep : ils ne payent pas Free, qui fait de même.
http://www.lemonde.fr/technologies/article/2012/01/31/le-nouvel-entrant-et-les-trois-operateurs-historiques-s-opposent-sur-le-cout-d-acheminement-des-sms_1636858_651865.html#ens_id=1224268