Le vendeur des «sex toys» et autres produits aphrodisiaques sur internet a écopé, jeudi 12 avril, de 8 mois de prison et 10.000 DH d’amende.
Le tribunal de 1ère instance de Casablanca l’a condamné pour «importation détention et exposition d’importation de produits licencieux (vibromasseur par exemple) et de diffusion d’imprimés et de photos contraires à la morale et aux bonnes mœurs».
Les juges retiennent un autre délit. L’accusé aurait obtenu «sans y avoir droit» une autorisation du ministère de la Santé «après avoir fourni des données mensongères».
Les juges du tribunal de Ain Sebâa ont ordonné également «la destruction des produits licencieux et la saisie de toute la marchandise existante».
Le jeune commerçant dont l’activité était basée au quartier Sbata (Hay Jamila 2) a fait l’objet de poursuite judiciaire le 9 mars dernier et placé sous mandat de dépôt à la prison d’Oukacha.
L’enquête judiciaire avait constaté que le prévenu disposait d’un registre de commerce pour la commercialisation de produits alimentaires à El Jadida. L’accusé, s’est servi de sa qualité de commerçant, pour importer par la suite des objets érotiques, lingerie sexy et stimulants sexuels. L’idée de proposer de tels produits émane, selon ses déclarations aux juges, «suite à des recherches faites sur le net en vue de trouver une solution à ses problèmes sexuels».
Son élan philanthropique couplé à son esprit d’entrepreneur l’aurait «poussé à répandre les bienfaits» de ces produits aux personnes souffrant de difficultés sexuelles. Le commerçant prend alors contact avec une société française. La livraison de la commande se fait via l’aéroport Mohammed V de Casablanca. Les douaniers refusent de lui remettre sa marchandise. Pour débloquer la procédure, l’importateur fait valoir une facture à la Direction du médicament et de la pharmacie: «Elle porte exclusivement sur les produits aphrodisiaques (crèmes, pommades…)». Mais aucune mention à un quelconque sex toy. Le ministère de la Santé donne son visa. Mais qui conditionne l’importation de la marchandise et sa commercialisation «à un examen pharmacologique préalable des échantillons».
Cette procédure a-t-elle été appliquée jusqu’au bout?
L’homologation sanitaire des produits importés a-t-elle était effectuée?
Si l’autorisation du ministère n’a pas intégré les objets érotiques, comment expliquer qu’ils ont traversé la douane?
A part le volet réglementaire, l’affaire du sex shop en ligne lève le voile sur des pratiques admises culturellement mais pas juridiquement. Le témoignage de l’accusé relève que la clientèle a suivi. C’est dire qu’il y a un marché, aussi «immoral» soit-il. Et qu’en est-il du droit à la santé (à la jouissance?) lorsqu’un impuissant sexuel a épuisé toutes les voies de recours (Viagra, Cialis.)?
Il existe un décalage entre le droit et la réalité et que le législateur doit combler.
Quid des herboristes ?
Les herboristes ayant pignon sur rue, des souks notamment à Casablanca et de la place de Jamaâ El Fna devraient-ils croupir derrière les barreaux?
Certes, il n’est pas question ici stricto sensu de fraude à la réglementation sanitaire ou douanière. Mais les cornes de gazelles (les vraies pas les pâtisseries), pattes d’éléphants moulues, la peau de hérisson et de porc-épic, voire la mouche anhydride… ne devraient-elles pas êtres homologuées? Sachant qu’il s’agit là d’espèces protégées souvent victimes de braconnages et provenant de pays voisins. Le Net met «à nu» en fait une schizophrénie. Et pousse indirectement une société à s’interroger sur ses valeurs et à se confronter à une hypocrisie sociale qu’elle nourrit…
Une actualité = une fatwa ?
Abdelbari Zamzmi, prêcheur et ex-parlementaire du Parti de la renaissance et de la vertu, ne voit aucun inconvénient à ce qu’une «femme célibataire assouvisse son désir en usant de carottes et même d’un pilon»! Zamzmi, un des fondateurs de l’Association marocaine d’études et de recherches sur le Fikh, cite l’un des anciens fervents défenseurs de la masturbation. L’imam Al-Choukani, ayant vécu il y a 2 siècles au Yémen, a écrit tout un essai sur la «masturbation halal» aussi bien des femmes que des hommes.
Dans le cas d’espèce, une prétendue morale fait que le droit condamne le «pêché» et pousse des citoyens à jouir en catimini d’une liberté individuelle.