Le transport par autocar n’a pas bonne presse. Il contribue pour à peine 35% des déplacements intervilles (soit 364.000 voyageurs par jour).
A l’origine de cette contre-performance :
- la mauvaise qualité des prestations de ce mode de transport
- les risques d’accidents
Selon la corporation des transporteurs, 1.300 entreprises opèrent actuellement dans le secteur du transport des voyageurs. Elles emploient environ 10.530 personnes, dont la plupart sont absents des registres de la sécurité sociale.
Les transporteurs exploitent près de 4.600 autocars pour autant d’agréments. Sauf que le mode d’octroi de ces licences n’obéit à aucun critère objectif.
Certains privilégiés possèdent plus de 20 agréments, obtenus suite à une demande, une location ou un achat auprès d’une tierce personne. La vente des agréments donnait lieu à des situations incongrues: ces licences incessibles restaient toujours enregistrées au nom des détenteurs initiaux. Mais suite à des tractations avec la tutelle, les transporteurs ont alors obtenu un arrangement rendant possible la cession des agréments assortie du changement de nom.
Autre aberration de ce système, les transporteurs sont tenus de respecter des heures de départ et d’arrivée fixes, sous peine de se voir infliger une pénalité ou de se voir retirer l’agrément. Cette disposition vise à éviter l’encombrement dans les gares routières en raison du nombre pharamineux d’agréments en circulation.
Résultat: les conducteurs sont parfois obligés de quitter la gare sans avoir rempli leur véhicule et se voient obligés de faire du racolage. D’où les excès de vitesse à l’origine de nombreux accidents sur la voie publique.
Evidemment, plus la ligne couverte est importante, plus l’agrément est rentable. Ainsi, selon un professionnel, «un agrément couvrant la ligne Tanger-Tan-Tan a rapporté à son bénéficiaire la bagatelle de 12 millions de DH en guise de pas de porte en plus d’un loyer mensuel de 150.000 DH».
Aujourd’hui, de nombreux professionnels s’interrogent si le Maroc veut vraiment mettre fin à ce système suranné. D’ailleurs, «il exclut catégoriquement le secteur du transport des voyageurs des négociations sur la libéralisation du commerce des services avec l’UE», signalent des opérateurs.
La réforme du secteur du transport a déjà commencé avec la libéralisation du transport de marchandises en 1999. L’on se rappelle que l’ex-Office national du transport (ONT), devenu entretemps la Société nationale du transport et de la logistique, détenait le monopole du transport de marchandises. Le préambule du texte de loi n°16-99 relative à la libéralisation du transport de marchandises, entrée en vigueur en mars 2002, précisait bien qu’une réforme toucherait par la suite le secteur du transport des voyageurs.
Serait-ce la fin du système des agréments dans le secteur du transport des voyageurs?
En tout cas, le ministre a enclenché la réforme du secteur en commanditant deux études à deux cabinets internationaux.
Le département de Karim Ghellab en a transmis la première mouture aux professionnels. A charge pour eux de remonter remarques et suggestions à la tutelle.
D’après les premières indiscrétions du projet de réforme, l’on parle de classifier les entreprises en trois catégories (A, B et C), selon des critères applicables au conducteur, au véhicule et à l’entreprise.
La catégorisation des entreprises a pour objectif d’instaurer une classification tenant compte de la nature des prestations, l’importance du parc, la logistique, la structure d’accueil, la distribution électronique des titres de voyage, le système de réservation des billets, la traçabilité des bagages…
Mais quel avantage pourrait tirer une entreprise de transport de voyageurs du système de classification?
Le ministère autorise les transporteurs classés, par exemple, dans la catégorie A, à exercer à la fois le transport national, international et le transport touristique.
Pour les entreprises relevant de la catégorie B, elles ne pourront assurer que le transport national.
Quant aux transporteurs de la classe C, ils prendront en charge uniquement le transport régional.
Pistes
Plusieurs scénarios sont envisagés pour la libéralisation du secteur du transport des voyageurs. Parmi ces options, figure l’établissement d’un cahier des charges comportant les conditions et les compétences nécessaires pour offrir des prestations de transport. Autre option, l’encouragement des entreprises à se regrouper, à moderniser leur parc et à mettre en place des infrastructures et des moyens de travail modernes.
La 3e possibilité consiste en la mise en place d’un cadre contractuel entre le ministère du Transport et les entreprises. Celles-ci devraient ainsi s’en tenir à un cahier des charges pour chaque type de prestation. Le marché sera attribué sur appel d’offres, au mieux-offrant. C’est finalement vers ce scénario que s’achemine la tutelle. Le tout sera consigné dans un texte réglementaire à l’instar de la loi 16-99 sur le transport de marchandises.