- L’Economiste: Vous avez détecté des détournements. Quelle est leur ampleur?- Lahcen Daoudi: Effectivement, des rapports ont été réalisés et des documents m’ont été remis de manière officielle. Selon ces rapports, des notes ont été falsifiées, des écritures comptables manipulées dans je ne sais quelle finalité. Il y a aussi quelques cas de faux et usage de faux, des DU payants (diplômes d’université) transformés en diplôme nationaux.
Ce sont les conclusions d’un comité d’inspection qui enquête à chaque fois qu’il y a des doléances ou soupçons.
- Comptez-vous saisir la justice?- Absolument. A chaque fois que je reçois un rapport, il faut que je le transmette à la justice. En même temps, s’il y a des inspections, c’est pour que les rapports aboutissent. Il y aura certainement des arrestations. Maintenant, c’est à la justice de trancher sur ces affaires. Mais il ne faut pas jeter l’anathème sur tout le monde.
- L’on parle de politique d’austérité menée au sein de votre département. Combien comptez-vous économiser sur les dépenses?- C’est la chasse au gaspi sur tout, les frais de carburant, les véhicules… Nous comptons serrer la ceinture et économiser autour de 5 millions de DH rien que dans le budget de fonctionnement. Ces économies iront aux œuvres sociales du personnel. D’ailleurs, nous allons ouvrir un restaurant dédié aux 800 personnes qui travaillent au ministère. Il y a aussi des aberrations qui n’ont aucun sens. Imaginez que nous avons un immeuble en location à 135.000 DH alors que le ministère est propriétaire d’immeubles vides!
J'avais fais un compteur de gaspillage une année, les infos dedans ne sont pas exhaustifs mais ça donne le tournis : http://www.mizania.com/content/blogcategory/20/61/ |
- Vous avez décidé de ne plus confier les études à des consultants privés. Cette démarche relève-t-elle du même souci de moralisation? - Mon objectif est de faire en sorte que l’université et les écoles participent aux marchés publics. Beaucoup de marchés échappent à l’université, y compris ceux du ministère. Il n’y a pas de raison à ce que les compétences universitaires restent à la marge des marchés publics. Les enseignants sont prêts à jouer le jeu. Il faut que l’université agisse comme une entreprise pour qu’elle puisse drainer plus de moyens.
- Quelles sont vos priorités pour la réforme?- Il y a l’habilitation qui passe à l’échelle nationale, ce n’est plus au niveau local. Les recrutements seront effectués via une commission nationale. Il y a aussi une commission qui est en train de revisiter la loi 01-00, laquelle a aujourd’hui 10 ans. Nous sommes aussi en train de mettre en place l’agence d’évaluation et surtout un groupement d’intérêt économique pour la mutualisation des moyens au sein des universités. Car chacun veut avoir du matériel pour être indépendant, sauf que c’est le même matériel que l’on trouve d’une structure à l’autre.
Le projet de loi relatif à la création de l’Agence d’évaluation de l’enseignement supérieur a été transmis au Secrétariat général du gouvernement pour examen. Il aura fallu attendre 12 ans pour que cette instance, prévue dans la loi 01-00 sur la réforme de l’enseignement supérieur, soit enfin activée. Ses prestations destinées au privé seront payantes. Il en sera ainsi, par exemple, de l’institution de frais d’accréditation des filières. |
Pour les appartements propriété du ministère à Rabat, ils deviennent des structures d’accueil des chercheurs qui viennent aider les universités. Cela nous évitera les coûts excessifs liés à l’hôtellerie. Nous sommes en train de réfléchir à Polytechnique Rabat pour créer la synergie entre les grandes écoles. Nous avons également décidé de créer un grand pôle technologique.
-Quelle sera votre approche sur l’équivalence des diplômes et les accréditations?- Il n’y a pas d’équivalence. Par contre oui à l’accréditation et à la qualité. Le privé doit produire pour le privé. Je n’ai pas envie que le privé forme des instituteurs. Le privé a 30.000 étudiants, je veux qu’il soit à 100.000. Certes, il va falloir aider ce secteur et l’accompagner au niveau des accréditations. Nous allons créer une agence dédiée aux accréditations pour plus de souplesse. Il faut donc que le privé couvre les besoins du privé. Et c’est au public de former des instituteurs, des fonctionnaires…
- Quel sera le rythme de création d’universités et de campus?- Nous comptons construire des cités universitaires, des restaurants… A l’horizon 2014, nous comptons passer à une capacité litière de 100.000 lits contre 35.000 actuellement. L’objectif étant de réduire drastiquement le gap entre le nombre de boursiers (180.000) et celui des résidents. L’ambition est d’arriver à un lit par boursier dès 2015-2016, soit une capacité litière de 180.000 unités.
TPA à Cheikh Zayed…Sur le cumul des fonctions des professeurs, le ministre se veut intraitable: «Nous allons mettre de l’ordre et tout le monde doit respecter la loi. Je veux bien que des enseignants donnent des cours dans le privé, mais il y a un cadre légal pour cela. Au-delà, l’exagération n’est pas permise». Beaucoup de professeurs de médecine exercent à Cheikh Zayed pendant que l’Etat manque d’encadrants aux CHU. Ce qui n’est pas normal! «La mise à disposition n’existe pas dans la loi marocaine. Des documents qui n’ont aucun soubassement juridique ont été signés. Il a fallu aider Cheikh Zayed à démarrer, sauf que les professeurs sont doublement rémunérés par Cheikh Zayed et par le ministère. Aujourd’hui, les enseignants doivent assurer leurs missions dans les CHU», insiste le ministre. Selon lui, les étudiants ne peuvent rester sans encadrement.
Voir notre dossier étudiants : http://www.mizania.com/content/view/80/70/