La nouvelle loi sur l’immatriculation foncière délivre les propriétaires d’immeubles (terrains et bâtiments) d’un grand cauchemar. Celui des prénotations… abusives!
A l’origine, cette procédure a été instaurée pour préserver les droits des créanciers. En effet, elle permet à tout prétendant à un droit sur un immeuble immatriculé de recourir à une prénotation pour conserver provisoirement son droit. C’est le cas lorsque la Justice ne s’est pas encore prononcée sur le fond d’un litige opposant un créancier notamment au propriétaire.
L’efficacité juridique d’une prénotation est sans conteste. En l’inscrivant sur le titre foncier du bien en cause, son propriétaire ne peut en aucun cas en disposer: vente, hypothèque. Ce qui revient à neutraliser toute jouissance paisible d’un droit de propriété.
Un promoteur ne pourra donc ni vendre ni construire un terrain tant que celui-ci fait l’objet d’une prénotation.
Là où le bât blesse, c’est que la pratique a démontré que cette procédure du droit foncier a été largement détournée de ses fins. Des justiciables de mauvaise foi y ont recours pour extorquer «légalement» des fonds aux propriétaires d’immeubles. Leurs biens illégitimement immobilisés, ils se trouvent amenés à payer à contrecœur le «maître chanteur». Ce dernier inscrit une prénotation sur la base d’une simple requête tamponnée par le tribunal alors même que sa demande n’est pas appuyée par des preuves. Certains avocats sont très au fait d’une telle technique.
La fin des abus?
Les prénotations abusives sont l’une des failles auxquelles la loi relative à l’immatriculation foncière a remédié.
Son article 86 «fixe à un mois la durée de validité de la prénotation» opérée sur la base d’une requête. Passé ce délai, elle est radiée d’office à moins que le prétendant ne produise une ordonnance rendue par le président du tribunal de 1ère instance. L’effet de cette dernière (prénotation basée sur ordonnance) a été à son tour quadrillé. Il est fixé à 3 mois au lieu de 6 comme le prévoyait l’ancienne version de la loi…
L’article 86 bis servira de bouclier contre les maîtres chanteurs. A chaque fois qu’il y a prénotation abusive, vexatoire ou de mauvaise foi, le juge doit «prononcer d’office au profit de l’Agence nationale de la conservation foncière (…) une amende civile». Son montant ne peut être inférieur à 10% de la valeur de l’immeuble ou du droit revendiqué. La partie lésée, propriétaire d’un immeuble, peut toujours demander des dommages et intérêts.
Opposition, faites gaffe au délai!
L'article 27 pose comme principe «qu’aucune opposition n’est recevable après l’expiration d’un délai de 2 mois à compter de la date de publication d’un avis par le conservateur foncier au Bulletin officiel…». Publication qui permet à un éventuel opposant à une immatriculation foncière de se déclarer.
Si ce dernier ne le fait pas dans les délais (2 mois), il lui reste une option: justifier, documents à l’appui, «les raisons l’ayant empêché» d’agir dans les temps.
Le dernier mot revient au conservateur foncier qui peut in fine «refuser» une opposition formulée hors délai. C’est là un des amendements introduits en 2011.
Vu son pouvoir discrétionnaire que lui accorde l’article 29, «aucun recours judiciaire» n’est possible contre la décision du conservateur foncier.
Que doit faire alors un opposant qui s’estime lésé dans ses droits?
«La loi évoque le recours aux juridictions judiciaires (de droit commun). La porte est a priori ouverte pour saisir le juge administratif en cas d’abus de pouvoir».
L’article 29. Celui-ci a de fortes chances de soulever une exception d’inconstitutionnalité devant la Cour constitutionnelle. Une procédure introduite par la Constitution de 2011 et qui est engagée lorsque la loi dont dépend l’issue d’un litige porte atteinte aux droits et libertés, tel que le droit d’ester en Justice.